L’art pictural tient une place importante dans la promotion de l’entreprise coloniale française, oscillant entre la tentation de l’exotisme et un regard ethnographique. De nombreux artistes adoptent la position de peintres officiels des colonies, de chargés de mission ou œuvre comme « indépendants » au sein des cercles coloniaux. Alors qu’ils répondent parfois à des enjeux promotionnels ou de propagande dans des contextes variés, ils inscrivent également leur production personnelle dans le contexte colonial d’alors. Leurs parcours sont lisibles au sein des fonds iconographiques des Archives nationales d’outre-mer ou dans les documents administratifs, témoins de commandes officielles ou de lettres de missions.

Yvonne Laure Alice Bellot, née Brunel (1879-1944), dite Yo Laur, fille de peintre, suit les cours du peintre Jean-Léon Gérôme et intègre les Beaux-Arts, avant d’exposer au Salon des Artistes Français dès 1898. En 1913, lors de son mariage avec André Bellot à Alger elle est déclarée comme artiste peintre, elle emménage en Algérie où André, aviateur et journaliste, a des attaches. Elle y réalise de nombreuses toiles, notamment des portraits féminins. Dès 1908, la société des Artistes Français développe un « filiale » coloniale, dite Société coloniale des artistes français, avec un jury propre. Yo Laur y expose ses portraits, aux côtés des scènes de Guadeloupe de Germaine Casse ou des sculptures d’Anna Quinquaud. Au début des années 1920, elle est chargée de mission par le Gouvernement général de l’Algérie. En 1923, elle sollicite le ministère des Colonies pour une mission en Indochine afin de « fixer sur la toile les paysages et les sujets d’Extrême-Orient ». Cette demande n’aboutit pas.

Georges Barrière (28 mars 1881 à Chablis – 1944 à Đồ Sơn) suit les cours des peintres Léon Bonnat et Jules Adler aux Beaux-Arts de Paris dès l’âge de 19 ans et se forme à la litographie. Ses peintures sont exposées au Salon d'Automne en 1903, à la Société des Artistes Indépendants en 1906 et au Salon des Artistes français en 1909.
Durant la Première Guerre mondiale, il réalise de nombreux croquis de la vie des soldats français dans les tranchées et participe à la section de camouflages pour l’armée. Après-guerre, ses peintures sont exposées régulièrement à la Société nationale des Beaux-Arts. En 1934, à l'âge de 52 ans, il remporte le « prix de l'Indochine » avec un portrait de son ami le sculpteur suisse August Heng (1891-1968) et part s’installer à Hanoï afin d’enseigner à l’école des Beaux-arts d’Indochine durant les dix dernières années de sa vie. Il réalise de nombreux portraits et paysages sur place mais ne montre que peu d'intérêt pour les techniques artistiques locales : les historiens de l'art vietnamien modernes comparent de manière critique son approche de Français à l'étranger avec celles de peintres qui ont adopté des techniques vietnamiennes tel que Joseph Inguimberty. George Barrière meurt dans la station balnéaire de Đồ Sơn, près de Haiphong en 1944.

On sait peu de chose de Guy Nouen (dont le nom est parfois orthographié Noven), si ce n’est qu’il a été photographe de la ville d’Alger, auteur d’un film commandité par Jacques Chevallier, maire de la ville, sur la construction des trois cités de Fernand Pouillon, et créateur d’affiches publicitaires comme celle-ci. De l’imprimerie qui a réalisé techniquement cette affiche, on en sait un peu plus : il s’agit des établissements Baconnier, maîtres imprimeurs à Alger de père (Henri) en fils (Henry) et petite-fille (Beatrix), autrice d’un livre sur l’affiche en Algérie. La maison d’édition associée aux presses a beaucoup travaillé avec des peintres et des graphistes afin de produire de nombreuses affiches, touristiques notamment, présentant souvent une grande valeur artistique.

D’un format adapté aux panneaux d’affichage des gares et des colonnes publicitaires de l’immédiat après-guerre, cette affiche est imprimée en couleur sur du papier mécanique de médiocre qualité. Elle fait partie d’un ensemble édité par l’Office algérien d’action économique et touristique (OFALAC), pour lequel Guy Nouen a également signé l’affiche « Algérie Pays de la Qualité ».

C’est à la suite des manifestations pour le centenaire de la conquête de l’Algérie et afin de conforter les positions commerciales de l’Algérie sur les marchés extérieurs que l’OFALAC a vu le jour en tant qu’organisme public, créé par un décret du 29 octobre 1931. Refondé en 1936, rattaché au gouvernement général de l’Algérie mais disposant d’une implantation parisienne et d’un budget autonome, c’est vraisemblablement sous l’impulsion de l’écrivain Gabriel Audisio*, chef du Service algérien d’information et de presse (SAIP) que cette campagne publicitaire a vu le jour. La représentation est certainement plus révélatrice de l’image que l’on souhaitait véhiculer auprès d’un public étranger, comme les mentions d’édition rédigées en anglais le laissent supposer, que de la vision réelle de l’auteur.

* Audisio, Gabriel (1900-1978), écrivain et poète français, délégué de l’office algérien d’action économique et touristique à Paris de 1931 à 1943 puis chef du service algérien d’information et de presse à l’OFAAC d’Alger de 1945 à 1948.

Le peintre Marc Leguay (10 janvier 1910, Charleville – 22 mai 2001, Ban Kô Nong Saeng-Thaïlande) vit au Laos de 1936 à 1975. Ses peintures sont connues par l’intermédiaire des timbres-poste laotiens qu’elles ont illustrés à partir de 1951.

Tout d’abord employé à l’état-civil d’Évreux, il démissionne très vite pour arpenter les routes de France, d’Espagne et d’Afrique du Nord avec son matériel de peintre. Il se fixe à Perpignan en 1931 où il expose, ainsi qu’en Espagne où il rencontre l’artiste Salvador Dali.
C’est lors d’une de ses expositions qu’il est remarqué par Pierre Pagès, alors gouverneur de Cochinchine. Il se voit confier en décembre 1935 une mission de trois mois en Indochine et reste finalement au Laos, où il créera à Khong « l’École d’art Lao ». Il peint des paysages locaux, sans figures, à l’exception de quelques silhouettes.
Il se marie en 1946 à Nang Sengdeuane Soulivong, membre d’une grande famille de Khong : elle devient sa muse et des personnages apparaissent sur ses tableaux, membres de sa famille ou proches. En 1947, Marc Leguay s’installe avec son épouse à Vientiane où il devient professeur de dessin au lycée de la ville.

Réalisée en 1957 à la demande du 1er ministre du Laos Souvanna Phouma, dont il était proche, pour l’ouverture de la ligne aérienne Vientiane-Paris assurée par Air France et Air-Laos, cette affiche représente l’un des deux temples emblématiques du Laos :  Pha That Luang. Marc Leguay créé à cette occasion deux affiches, l’autre représentant le second temple. Les ANOM font l’acquisition de l’une d’elles lors de la vente aux enchères Perrin-Royère-Lajeunesse du 22-23 mars 2000.

Marc Leguay poursuit ses activités au Laos près de 40 ans, de 1936 à 1976. En 1975, le renversement de la monarchie conduit les étrangers à quitter le pays. Il s’installe alors dans un village de Thaïlande, jusqu’à son décès en 2001.

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